Une utopie réalisée !
Jean Baptiste André Godin (1817-1888) créateur des poêles Godin, fouriériste convaincu a été un expérimentateur social de tout premier plan.
Un dimanche, 15 novembre 2009, journée passée entre le repas au restaurant de l'entreprise et la visite (incomplète ) de ce site fabuleux. Avant gardiste sur tous les plans, c'est encore aujourd'hui un modèle d'économie sociale. Pour faire la preuve de la société unitaire imaginée par l'utopiste Charles Fourier, il bâtit à partir de 1859 le Familistère Godin, ou Palais social*. La cité édifiée à côté de la fonderie devait offrir les équipements équivalents à la richesse, aux familles des employés de l'usine. Le familistère comprend :
Le palais social
se compose de trois pavillons construits l'un après l'autre entre 1860 et 1878. Les trois bâtiments sont reliés ensemble par un angle et c'est près de 350 appartements qui sont proposés en locations aux familles des employés sur la base d'un prix au mètre carré variable selon l'étage et l'exposition. Conditions financières avantageuses et confort, une qualité de services inégalée à cette époque. Des règles strictes régissaient cette cohabitation. Règles qui sont acceptées par une majorité, 1200 personnes habiteront le familistère.
La place du palais social
est un vide unitaire et monumental. Elle abritera les économats, le théâtre, les écoles. Viendra s'implanter après sa mort, le monument J.B.A.Godin (inauguré en même temps que le mausolée). Cette esplanade est la grande cour des enfants des écoles, le champ des parades ou grandes fêtes du palais social.
Le pavillon central
du Palais social et la nourricerie-pouponnat sont édifiés entre 1862 et 1866. Sa cour intérieure a une superficie de 900 m2. Un édifice de liaison permet la communication entre les bâtiments à tous les niveaux, des caves aux combles. L'ingénierie de la construction offre une étonnante machine à habiter : la modularité des espaces habités, l'aération de la cour, des appartements, la diffusion de la lumière naturelle ou artificielle (les fenêtres sont plus grandes en bas qu'en haut). L'eau, l'évacuation des déchets, à tous les étages. La sécurité (gardes corps de plus d'un mètre, encore à la norme actuelle) ou le confort des personnes inventifs et efficaces. Ce pavillon comprend un centre médical et une pharmacie mutualiste. Il remplit une fonction sociale aussi en rassemblant les enfants dans la cour avant d'être conduits à l'école. La cour est aussi le rendez-vous des fêtes familistériennes -La fête de l'enfance en septembre (1883) et la fête du travail 1er dimanche de mai (1867)-
Dans ce pavillon a été reconstitué un appartement musée.
Aile gauche
Aile droite
Godin a habité le familistère, d'abord l'aile gauche puis l'aile droite dans un appartement plus spacieux. Il est restructuré en musée dédié à Godin, sa vie , ses œuvres.
La construction de l'ensemble des trois corps est en briques comprenant quatre niveaux plus un comble, le tout élevé sur des caves.
Les appartements sont disposés autour d'une cour fermée couverte par une verrière. Les logements sont desservis côté cour par des coursives suspendues, accessibles par des escaliers tournants dans les angles des édifices. Sur les paliers de chaque niveau on trouve un réseau d'eau potable, d'eaux usées, des sanitaires, des vides ordures. Les appartements sur un module de base de deux pièces traversant (une fenêtre côté cour et une autre donnant sur l'extérieur), offrant la possibilité d'agrandissement, intègrent les conduits de fumée et de ventilation.
Les économats (1859)
Construits en même temps que le premier pavillon, ils devaient satisfaire les besoins d'une bonne économie domestique : suppression des intermédiaires, parasites entre producteurs et consommateurs, hygiène et diversité des aliments, proximité de l'habitation.
Ce “bâtiment d'industrie domestique”, comme l'appelait Godin, était géré (vente et approvisionnement) par les habitants du familistère. On y trouvait une boulangerie, une boucherie, épicerie etc. A l'origine ils abritent un asile, une école, une cuisine alimentaire, magasins, dortoir pour ouvrier sans famille, des dépendances animales (clapiers, écurie...).
Les bénéfices des magasins iront au patron jusqu'en 1880, puis a l'association du familistère.
La nourricerie et le pouponnat
L'éducation des enfants dès leur plus jeune âge est le plus précieux de tous les équivalents de la richesse prodigués par le palais social. Le projet d'éducation intégrale est mis en oeuvre avec une ardeur exceptionnelle. Les services d'éducation comprennent :
- - La nourricerie pour les enfants de 15 jours à 2 ans.
- - Le pouponnat pour les enfants de 2 ans à 4 ans.
- - Le bambinnat pour les enfants de 4 à 6 ans.
- - La 3ème classe pour les enfants de 6 à 8 ans.
- - La 2ème classe pour les enfants de 8 à 10 ans.
- - La 1ère classe pour les enfants de 10 à 13 ans.
- - Les cours supérieurs pour les plus doués.
- - L'apprentissage au sein de la manufacture pour les enfants âgés au moins de 14 ans.
L'école est gratuite pour tous les enfants du familistère (320 en 1874) et la mixité est la règle depuis la nourricerie.
Ce corps de bâtiment (qui n'existe plus) communique avec le pavillon central du palais social. On y trouve la salle d'enseignement du pouponnat, l'espace de promenade et la salle des berceaux de la nourricerie. La cohabitation des nourrissons et des poupons est un facteur d'émulation vers l'apprentissage, et, déjà, un pas vers la solidarité. Les berceaux sont fabriqués à l'usine, la structure métallique est aérée, le matelas absorbant est constitué de son, et est régulièrement renouvelé (écologiste avant l'heure, pas de couche culotte dans la nature).
Le matériel d'apprentissage, les jouets ont une place importante dans la pédagogie qui fait du plaisir une ressource éducative.
Le théâtre, les écoles
Lieu du divertissement, le théâtre est aussi la salle de l'enseignement supérieur. Il forme avec les écoles un groupe destiné à l'éducation intégrale et permanente des habitants. Structure en fonte, salle de spectacle l'italienne, espace d'accueil avec foyer, bancs en bois mobiles, le théâtre accueille un millier de spectateur.
Les écoles accueillent les enfants des deux sexes de 4 à 14 ans. Classes conçues pour le confort des enfants; espace, aération, éclairage naturel, ergonomie des pupitres dessinée par Godin, puis fabriqués dans l'usine.
Le lavoir-Piscine
Le lavage du corps et du linge est, de même que l'exercice à la nage, une contribution à la santé des habitants du familistère. L'entretien du linge est interdit à l'intérieur des appartements, l'humidité provoquée par cette activité est une cause directe de maladie ou mortalité. Un édifice particulier est réservé au lavage, séchage collectif du linge, de même que les installations sanitaires sont sur le palier de chaque niveau des habitations. Par ailleurs, l'économie générale du familistère implique que ces fonctions, (lessives, bains-douches, piscine) soient réunies dans une même construction.
L'existence d'une piscine est justifiée par la présence de l'Oise, et du risque de noyade des enfants par l'apprentissage de la natation. L'implantation de ce lavoir-piscine est en contrebas de la manufacture permet l'alimentation en eau chaude provenant des machines à vapeur de la fonderie. Sa situation permet aussi aux ouvriers de passer par les bains douches avant de rentrer chez eux. Le bâtiment de forme allongée comprend donc en premier plan la laverie, puis à l'étage supérieur un grenier muni de fils pour faire sécher le linge, mais les rouleaux des essoreuses étant très puissants, le linge essoré était déjà presque sec.
L'entrée de la piscine se fait par la façade côté usine. Bassin de 50m2 et profond de 2,50 m était munie d'un plancher mobile en bois, qui était remonté au moyen d'un treuil pour réduire la profondeur d'eau, afin d'accueillir les enfants de différentes classes d'âge. Abandonné (comme une grande partie du familistère) en 1968, dégradé, il sera restauré en 1991 et classé au titre de la loi sur les Monuments Historiques.
Le familistère va se doter d'un kiosque à musique, une société musicale est crée, elle anime toutes les fêtes du familistère et devient une harmonie réputée hors communauté en se produisant dans les foires expo.
Le jardin d'agrément avec parc, promenade et jardins potagers (un jardin/appartement). Le jardin d'agrément est aussi un jardin de rapport, des arbres fruitiers seront plantés. Une serre, un potager collectif devrait approvisionner les magasins des économats. C'est dans ce jardin que sera érigé le mausolée sur la tombe de J.B.A. Godin sur l'extrémité surplombant son œuvre : le familistère. Sur la base de l'obélisque est installé un buste à l'effigie de Godin, encadré par deux statues : le travail et la famille.
L'accroissent de la population, la modernisation de l'usine vont voir la construction d'autres logements : Le pavillon Landrecies (plus modeste) et le pavillon Cambrai (le plus vaste).
L'usine Godin
J.B.A. Godin est serrurier, il crée son premier atelier dans son village natal (Esquéhéries dans l'Aisne). En 1846 il crée à Guise une manufacture sur un quart d'hectare. En 1880, l'usine occupe 3 hectares et comprend des ateliers spécifiques de moulage, émaillerie, ajustage, montage etc. Outre la fabrication des fameux poêles, les ateliers fournissent une grosse partie des équipements du familistère. L'usine produit des appareils de cuisson, de chauffage en passant par des articles de quincaillerie (catalogue de 1880). Toujours en fonction, modernisée, l'usine est le spécialiste de la fonte.
Une utopie en chiffre
- 10 millions de briques utilisées pour la construction du palais social.
- 30 000 m2 de surface constitue les 3 pavillons.
- 1 kilomètre de coursives parcourt l'ensemble des 3 pavillons (facteur sportif ;)).
- 900 fenêtres pour 495 appartements.
- 50 berceaux étaient installés dans la nourricerie.
- 1 000 personnes entrent dans le théâtre.
- 4 000 modèles d'appareils et accessoires fabriqués par l'usine en 1914 et 210 000...
Pour enrichir mes souvenirs, je me suis beaucoup inspirée du site "Le familistère de Guise"
Autres photos dans album à venir
PS : J'y ai laissé les photos des chiens s'amusant autour du kiosque à musique, ce jour là Dolby s'est fait une entorse du calcanéun gauche. Il est depuis, mobilisé à la maison, devant laisser son articulation au repos pendant un mois. Ce fut le dimanche 15 novembre 2009, journée passée entre le repas au restaurant de l'entreprise et la visite (incomplète ) de ce site fabuleux. Avantgardiste sur tous les plans, c'est encore aujourd'hui un modèle d'économie sociale. Un grand projet "le programme Utopia" est démarré pour valoriser le familistère. Depuis 2000, le Conseil Général du Département de l'Aisne avec la Ville de Guise portent ce projet au travers d'un syndicat mixte avec le concours financier de l'Etat, de la Région Picardie et de l'Union Européenne.